Le licenciement d’un salarié en raison de son déménagement à 450 kilomètres de son lieu de travail est bien fondé selon la Cour d’appel de Versailles


30/03/2022

Agathe KLEIN et Guillaume BREDON commentent la déision de la cour d'appel de Versailles du 10 mars 2022 (n°20/02208) 

Dans un arrêt en date du 10 mars 2022 (n°20/02208), la cour d’appel de Versailles a approuvé le licenciement d’un salarié ayant refusé de rapprocher son domicile de son lieu de travail après son déménagement à plus de 400 km.

Cette solution dégagée par la Cour d’appel nous amène à nous interroger sur la capacité de l’employeur à s’opposer au déménagement d’un salarié dans une autre région et le refus du salarié de rapprocher son domicile.

Dans cette affaire, un employeur reprochait à l’un de ses responsables Support technique d’avoir déménagé en Bretagne, à plusieurs centaines de kilomètres de son lieu de travail, contractuellement situé au siège social de son entreprise en région parisienne, sans l’en avoir informé.

S’appuyant sur son obligation de sécurité et sur les déplacements professionnels induits par l’activité du salarié, l’employeur lui avait enjoint de revenir habiter près de l'emplacement de l'entreprise, ce qu'il avait refusé.

Il avait alors été licencié pour faute, en raison de la fixation de son domicile en un lieu trop éloigné et en violation des stipulations de son contrat de travail, alors même qu’aucune clause de résidence n’y était intégrée.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour contester le bien-fondé de son licenciement en invoquant notamment une atteinte à sa liberté de choix du domicile résultant des principes posés par par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CEDH).

La cour d’appel de Versailles était alors amenée à examiner l’opposition entre deux normes : l’article 8 de la CEDH qui prévoit le libre choix du domicile personnel et familial au titre du droit au respect du domicile et l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur.

Validant le raisonnement du conseil de prud’hommes, la cour d’appel a choisi de privilégier l’obligation de sécurité incombant à l’employeur.

Elle a en effet relevé que le déménagement du salarié avait allongé de manière « excessive » son temps de trajet pour se rendre sur son lieu de travail (4h30 de trajet par la route, ou 3h30 de train) et que de ce fait, l’atteinte à la liberté du salarié de choisir son domicile était proportionnée compte tenu de :

  • l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur et,
  • l’obligation de veiller au repos quotidien du salarié ainsi qu’à l'équilibre entre sa vie familiale et sa vie professionnelle dans le cadre de la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis.

Si la solution de la cour d’appel de Versailles est séduisante, la prudence est de mise notamment lorsqu’on sait que la Cour de cassation est assez réticente à reconnaître la légitimité d’une contrainte imposée par l’employeur au libre choix du domicile du salarié.

Face à l’essor du télétravail et des mobilités géographiques, il est toutefois fort à parier que ce type de contentieux va être amené à se développer.

Reste à savoir si la Cour de cassation adoptera un raisonnement similaire à celui de la cour d’appel en se plaçant, elle aussi, sur le terrain de l’obligation de sécurité…